Complémentaires à l’exposition Darwin présentée à la galerie d’art Antoine-Sirois, les œuvres de l’artiste David Moore réunies à l’espace Découverte, sont fondatrices. Œuvres des débuts, au sein d’une pratique qui se façonne depuis près de cinquante ans, elles témoignent du désir toujours effectif qu’a l’artiste d’enraciner la création au plus près de la vie. Réalisées au cours des années 1970, elles recèlent de stratégies pour s’affranchir du formalisme pictural qui dominait la scène artistique de l’époque.

À ce titre, la série Tisane est éloquente. Elle signe dans l’œuvre de l’artiste un réel changement de paradigme. La grille moderniste y est rejouée par l’inscription – en lieu et place des habituels coups de pinceaux – de poches de thé (tisane) sur la surface du tableau. Distribuées selon une trame relativement stricte, les tisanes dont usait l’artiste pour leurs propriétés médicinales scandent l’espace pictural, le ponctuent de leur morphologie irrégulière. Certaines sont percées, d’autres coulent ou laissent une empreinte, comme aurait pu le faire la peinture.

Ce faisant, l’artiste dialogue avec les codes de la peinture moderniste sans s’y soumettre. Il manœuvre délicatement un canal au sein de l’art où le vivant, le réel, le tangible, peut être mis à contribution. De même, on retrouve les composantes de la peinture au sein des grandes photographies choisies pour cette exposition. Le cadre, la trame, le trait, la touche, la grille, la toile, le sujet, l’objet y sont réfléchis et puisés hors de l’atelier. À l’intérieur d’un cadre, les pierres s’empilent, s’imposent et, progressivement, voilent un paysage, réduisent la lumière qui pourrait pénétrer. On ne peut ignorer leur poids, non plus la temporalité impliquée dans leur agencement. Ce jeu de cache-cache n’est pas sans rappeler les sachets de tisane recouverts de gesso qui s’affichent comme autant de minuscules canevas non tendus. La nuance – la clef – étant qu’on les sait remplis d’herbes, chacun formant dans les mots de l’artiste, « une sorte de capsule processuelle, transformatrice ». « Une poche de thé change l’eau, soutient Moore. […]  Les herbes contenues viennent des montagnes (thym, sauge, dictame et autres). Je bois cette eau et mon corps devient partie de la montagne.1 Il en est de même de l’art qui, pour David Moore, devra désormais contenir le changement et dialoguer avec la vie.

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