Biographie

De son premier voyage à Cracovie, en 1979, pour s’initier aux arts graphiques polonais, à son escapade de deux mois au studio du Québec à Buenos Aires en 2006, Louis-Pierre Bougie n’a cessé de multiplier les allers-retours entre son port d’attache montréalais et l’étranger: Paris surtout, où il confie l’impression de ses gravures aux maîtres-imprimeurs des célèbres ateliers Champigny, Lacourière et Frélaut ou René Tazé, mais aussi le Portugal (1982), New York (1996) et Helsinki (2003). Ces séjours prolongés – jusqu’à cinq ou six mois par année – témoignent de la réputation de l’artiste qui accumule les bourses, les stages et les résidences dans les studios du Québec à l’étranger. Mais Bougie revient invariablement à l’atelier qu’il partage à Montréal avec ses amis François-Xavier Marange, disparu en 2012, et Denis Saint-Pierre, tous deux dessinateurs, peintres et graveurs comme lui.

Ses nombreux séjours à l’étranger ont par ailleurs permis à Louis-Pierre Bougie, familier de toutes les techniques de la gravure, mais qui a surtout pratiqué l’eau-forte et la taille-douce, d’assembler une collection d’estampes impressionnante, le plus souvent grâce à des échanges avec des artistes avec qui il a travaillé ou qu’il a côtoyés et qui sont devenus des amis, comme le Suisse Martin Müller-Reinhart, les Américains Bill Fick et Deborah Boxer ou la Québécoise Francine Simonin. Bougie refuse toutefois de se considérer comme un collectionneur: toutes ces œuvres représentent pour lui, explique-t-il, des «cartes postales» qui lui rappellent les rencontres qui l’ont marqué et les lieux qu’il a habités. Il a voulu profiter de la présente exposition pour partager ses coups de cœur.

https://www.louispierrebougie.com/

 

Commissaire : Geneviève Bougie

Les allers-retours de Louis-Pierre Bougie, au propre et au figuré.

 

Épris du savoir-faire et de la grande tradition des maîtres-imprimeurs français et curieux du travail des artistes graveurs anciens (Goya, Rops, Ensor, Grosz) ou contemporains (Chillida, Soulages, Mušic) qu’il admire, Bougie rapporte chaque fois de ses périples une expérience humaine, culturelle et artistique irremplaçable: de Pologne un chambardement total de son art, de Finlande une attention accrue à la qualité du silence, d’Argentine une palette de couleurs plus vives. Il en ramène aussi une profusion de nouvelles œuvres qui font l’objet à son retour au Québec d’une exposition: de son séjour à New York résultera son «Journal d’exil», de son hivernage en Finlande «Le bruit du silence», de son évasion à Buenos Aires «Le Désert rouge». La présente exposition propose plusieurs de ces œuvres conçues à différents moments sous différentes latitudes.

Louis-Pierre Bougie a tenu à mettre en parallèle avec ses pièces plus anciennes un certain nombre d’œuvres récentes, afin de permettre au visiteur de suivre son évolution et de comparer sa production des années 1980 aux années 2000 à son travail actuel, moins figuratif et plus foisonnant – avec parfois des centaines, sinon des milliers de personnages et d’animaux camouflés dans des frondaisons sans commencement ni fin. Des œuvres «mieux balancées» aussi, de l’avis de l’artiste. Les toutes dernières frises à l’horizontale, peintes lanière après lanière de gauche à droite puis passées par sections sous presse, peuvent atteindre plusieurs mètres. Spectaculaires, elles se caractérisent par une liberté expressive confondante et une fantaisie répétitive effrénée.

L’exposition «Allers-retours» présente également quatre livres d’artiste de Bougie: «Le Prince sans rire» (1983) et «Forger l’effroi» (1987) sur des textes de Michaël La Chance, «Entre deux eaux» (1992) sur un texte de Michel Butor et son tout dernier, «Ainsi fait», sur des textes de François-Xavier Marange. Le livre d’artiste représente une part importante de la production de Bougie, soit une douzaine de publications depuis 1975. Le livre d’artiste s’élabore dans un va-et-vient continuel du texte à l’image, dans un dialogue constant entre l’écrivain et l’artiste. L’image n’est pas là pour illustrer le texte ni le texte pour expliquer l’image. Le livre d’artiste est chez Bougie une œuvre de collaboration étroite entre l’écrivain, l’artiste, le typographe, l’imprimeur et le relieur, une œuvre originale qui réalise un fragile équilibre entre le sens des mots et l’affleurement des traits et de l’encre sur le papier.

Louis-Pierre Bougie, qui combine dans ses monotypes – estampes à tirage unique – les techniques du dessin, de la gravure, de la peinture et du collage, n’a jamais voulu réaliser lui-même toutes les étapes d’une gravure, ayant trop de respect pour le métier et l’expertise des maîtres-imprimeurs qu’il a vus œuvrer, comme Paul de Cotigny, ou avec qui il a travaillé, les Alain Piroir, Luc Guérin, François-Xavier Marange ou Paule Mainguy. Ici encore, on peut parler d’allers-retours, de complicité entre un graveur et ses imprimeurs.

Décidément, le thème de cette exposition, choisi par la commissaire Geneviève Bougie, s’accorde parfaitement tant avec le parcours qu’avec la démarche de cet artiste au long cours qui compte plus de 40 ans de carrière.

Paul Bennett

 

Image : Louis-Pierre Bougie, Allers-retours (vue d’ensemble de l’exposition). Photo: François Lafrance

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