Biographie

Lucie Duval a grandi à Mont-Laurier et vit et travaille en Estrie. Elle a étudié à l’École des beaux-arts de Toulouse et a obtenu, en 1983, le Diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP), avec félicitations des membres du jury. Elle expose régulièrement en Amérique Nord, en Europe et en Asie. Ses œuvres font partie de la Collection de prêts d’œuvres d’art du Conseil des Arts du Canada, de la collection du Musée national des beaux-arts du Québec et de celle du Musée des beaux-arts de Sherbrooke. Elle est l’auteure de l’œuvre Mémoire vive, la sculpture intégrée à l’environnement située à l’intersection des rues King Est, Papineau et Murray à Sherbrooke. Lucie Duval est représentée par la galerie Isabelle Gounod à Paris.

Commissaire : Suzanne Pressé

L’œuvre que l’artiste présente à la galerie d’art Antoine-Sirois de l’Université de Sherbrooke s’intitule La suite Fibonacci, voilà un titre qui, en mathématique, fait référence à une suite d’entiers pour laquelle chaque terme est la somme des deux termes qui le précèdent. Elle commence généralement par les termes 0 et 1 et ses premiers termes sont 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, etc. Cette suite doit son nom à Leonardo Fibonacci, dit Leonardo Pisano, un mathématicien italien du XIIIe siècle qui, dans un problème récréatif posé dans un de ses ouvrages, le Liber Abaci, publié en 1202, décrivit la croissance d’une population de lapins en ces termes: « Un homme met un couple de lapins dans un lieu isolé de tous les côtés par un mur. Combien de couples obtient-il en un an si chaque couple engendre tous les mois un nouveau couple à compter du troisième mois de son existence ? »

Depuis 2006, Lucie Duval s’intéresse à la mondialisation. Dans son travail, l’artiste transforme des gants blancs de travailleurs « Made in China » en plusieurs motifs de lapin installés dans une structure formant un immense carrousel.

Dans ce travail, Lucie Duval relève une situation contradictoire et ironique à savoir le déclin de l’industrie du textile et de la mode d’ici par la sous-traitance à rabais dans des conditions effrayantes, bien des fois, pour les travailleurs chinois. Voilà le gant symbole de productivité et de reproductibilité. C’est bien là, l’ironie ! Le premier corpus d’œuvre fut montré, à l’été 2010, lors de l’exposition individuelle présentée au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul, sous le titre de Tailleur de fortune/Fortune Teller (traduction volontairement inexacte).

La suite Fibonacci se veut la construction d’un carrousel en mouvement affublé de lapins fabriqués avec des gants de travailleurs. Avec les années, les gants de travailleurs blancs ont été remplacés ou plutôt suivis par des gants beiges et puis par des gants gris. Tout se passe comme si les couples de lapins ne vivaient plus isolés, mais à l’ère de la mondialisation avec le phénomène du métissage. Des questions surgissent. Lapins-croisés, métis, mulâtre, caboclo… à l’image du contexte social actuel, de ce qui en découle, en dépend : immigration, main-d’œuvre, éducation, culture, religion, politique, etc.

Ce carrousel de lapin permet une double lecture. Lecture amusante de l’ambiance festive du carrousel de joyeux lapins. Mais attention, derrière cette apparence se cache une réalité tout autre: ces lapins sont fabriqués de gants rapiécés, raccommodés, métissés. Voilà qui appelle une lecture sérieuse de la sociologie de la manipulation génétique. Et puis, dans le contexte social actuel comment ne pas faire de parallèles avec ce qui questionne notre société que ce soit l’immigration, la main-d’œuvre, l’éducation, le printemps érable, la politique, la religion, la Charte des valeurs québécoises de la laïcité, la commissions Ménard et la commission Charbonneau? Des questions sociologiques surgissent du travail de Lucie Duval.

 

Image : Lucie Duval, La suite Fibonacci (détail), 2013 © Lucie Duval