Biographie
Né à Montréal en 1946, Gilles Mihalcean pratique la sculpture depuis plus d’une cinquantaine d’années. Sa carrière est jalonnée de nombreux prix et bourses. Il est notamment récipiendaire du Prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton du Conseil des arts du Canada (1987), de la bourse de carrière Jean-Paul-Riopelle (2005-2007), du prix Paul-Émile Borduas (2011) et récemment, d’un doctorat honoris causa de l’Université Concordia (2019). Mihalcean a réalisé de nombreux projets d’art public et d’intégration des arts à l’architecture qui parsèment le paysage culturel montréalais et québécois, dont Printemps (2014) au Centre universitaire de santé McGill, Paquets de lumière (2017) au Quartier des spectacles et plus récemment Androïdes (2021) au Domaine Forget de Charlevoix. Une rétrospective de son travail a été présentée à La Poste (Montréal) en 2021. Reconnu pour sa contribution au renouveau de la sculpture dans les années 1980, Gilles Mihalcean privilégie une approche poétique et narrative de l’art.
Commissaire : Suzanne Pressé
Mihalcean écrit de la poésie et rédige des textes de réflexion autour de la sculpture. Pour lui, écrire est une manière de commencer la sculpture, de saisir le moment poétique qui l’animera tout au long de sa fabrication. Dans ses sculptures, la forme et la nature des éléments réunis, joints au titre, font surgir les moments de sa poésie. La mise en place des éléments se fait par juxtaposition métaphorique. Le lien entre l’écriture et la sculpture se révèle : la métaphore est toujours présente, par l’intermédiaire de l’analogie visuelle.
Depuis les années 1980, l’artiste créé des sculptures poétiques construites comme des récits fragmentés. Il fait allusion à des tas d’histoire, des bribes de récit qui nous donnent des pistes pour se faire une histoire, pour inventer la sculpture. L’assemblage libre d’objets fabriqués et d’objets trouvés a ses avantages : l’artiste multiplie les matériaux et les textures, choisit l’échelle appropriée, associe ce qui apparaît le plus dissemblable, dissocie l’objet de son matériau habituel, tout cela pour provoquer une déstabilisation des habitudes visuelles et permettre l’allongement des sens et des interprétations.
Tout en faisant appel à la puissance de l’imagination et aux associations libres, les œuvres de Mihalcean nous maintiennent dans l’intimité de son identité québécoise. Elles cherchent à entretenir un lien qu’il estime nécessaire avec sa culture. Tantôt les titres, tantôt les associations comiques, tantôt les objets fabriqués ou trouvés la rappellent. Il y a toujours une transformation ou une refabrication de ces objets : le « faire » est une donnée importante pour le sculpteur. Pour lui, les concepts et les sens qui s’installent lentement dans la sculpture passent d’abord par les mains et dérivent de tous les troubles qui surgissent des matières. Le sens de la sculpture repose sur une multitude d’inventions.
L’exposition Sculptures récentes de Gilles Mihalcean est un assemblage de sculptures anciennes et nouvelles, non pas présentées à la manière d’une rétrospective mais plutôt comme un prétexte pour traiter de l’actualité de l’œuvre d’art. Par exemple, l’œuvre Objet, datée de 1973, donne la mesure de la méthode de l’artiste, basée sur l’assemblage libre pendant des décennies avant de trouver leur juste place. Cette œuvre a toujours une force d’actualité tant sur le plan plastique que sur celui de sa représentation. Le temps est l’outil de sculpture par excellence de Mihalcean. Ses œuvres sont actuelles et intemporelles. L’objet d’art aime vieillir, il se joue du temps, là réside sa poésie et sa spiritualité confie l’artiste.
Ainsi, l’artiste propose, par l’exploration surprenante des matériaux et par les juxtapositions paradoxales et polysémiques des formes, des objets élaborés à la lumière de ce qu’il croit nous ressembler et qu’on pourrait résumer en trois mots : l’invention, l’humour et l’ambiguïté.
Image : Gilles Mihalcean, Objet, (détail), 1973. Bois peint, 150 x 120 x 120 cm. Photo Louis Lussier.