Biographie
Chantal Lagacé vit et travaille à Sherbrooke. Diplômée au programme de Baccalauréat en arts visuels de l’Université Laval (Québec) (1985) et au programme d’Études supérieures spécialisées en design d’événements à l’Université du Québec à Montréal (2003), Chantal Lagacé est l’auteure du livre Mémento pour tout jour. Regard sur le patrimoine architectural vivant de Sherbrooke (2007) et elle est aussi l’auteure de la sculpture extérieure Si les maisons et les arbres pouvaient parler, ils vous diraient que… (2010) œuvre intégrée à l’architecture et à l’environnement du Service de police de la Ville de Sherbrooke.
Depuis les années 2000, l’espace urbain, la ville – comprise comme un milieu social, un lieu géographique et un habitat urbain destiné au genre humain – est l’objet et le sujet de recherches de Chantal Lagacé. Intéressée par l’histoire, elle cherche les récits, les trames narratives urbaines, cachés dans les objets vernaculaires tout autant que dans les formes architecturales. Elle y analyse les traces et les empreintes évoquant souvenirs et modes de vie urbaine. L’artiste pose des regards singuliers sur les villes qu’elle communique ensuite de diverses manières dans une pratique artistique actuelle.
Commissaire : Suzanne Pressé
C’est dans la continuité de son travail que Chantal Lagacé inscrit sa récente exposition Couvercles de regards (2012-2014), un ensemble de photos de couvercles de regards et de dessins du même motif réalisés au graphite et au crayon Conté noir sur papier et sur feuille volante de bottin téléphonique. Les couvercles de regards sont ces éléments métalliques couvrant les ouvertures destinées aux entretiens des installations de canalisation et des égouts, installés sur la chaussé et les trottoirs des villes et villages. Les villes comptent des milliers de couvercles de regards. À titre indicatif, la ville de Sherbrooke en compte dix mille.
C’est en 1883, lors de la Révolution industrielle, que furent nommés regard, ces ouvertures destinées à faciliter les visites, les réparations dans les canalisations, les égouts mais aussi dans les machines à vapeur, les fours et même les caves. Le 19e siècle fut le siècle de l’urbanisation, avec la suprématie de la population urbaine sur la population rurale et l’apparition des villes tentaculaires en proie à des croissances exceptionnelles. Là se sont concentrées la production, les hommes, les nœuds de communication, les capitaux, les emplois tertiaires et les services municipaux. En conséquence de quoi la Révolution industrielle a été le théâtre d’une crise urbaine dont le problème essentiel fut celui du logement des nouvelles cités ouvrières et l’absence d’installations sanitaires, causes de maladies et d’épidémies mortelles.
Dans ce travail, Chantal Lagacé révèle ainsi la beauté de ces éléments métalliques dans leur forme de grille circulaire à fentes parallèles, de grille circulaire à fentes obliques et de grille carrée à fentes parallèles. Voilà une approche singulière, unique même, de révéler l’importance de ces équipements sanitaires, souvent banalisés, mais combien nécessaires pour la santé publique.
L’exposition Couvercles de regards présente également la récente série Rues de l’artiste, un ensemble de dessins au graphite sur feuilles volantes de bottin téléphonique, ces documents en voie de disparition. Voilà la ville considérée ici comme un milieu social, un habitat urbain destiné au genre humain.
Dans son esthétique, Chantal Lagacé explore les caractéristiques de l’organisation urbaine dans ses diverses accumulations, juxtapositions, répétitions, successions et alignements. Parcourant les villes à pieds, en vélo et en scooter, cette glaneuse des villes enregistre des signes, récupère des artefacts, minuscules, oubliés, déchus et rejetés, qui ponctuent son parcours pour les classifier en fonction de leur propriété formelle, fonctionnelle et de leur charge symbolique.
Image : Chantal Lagacé, Travail sur Couvercle de regards dans un parc, 2014. Photo : Gilles McInnis.