L'exposition Yatsihsta'. Porter les braises représente la phase II de l'événement YÄ'ATA, Art Total Autochtone. Mélanie O'bomsawin, Christine Sioui Wawanoloath, Michel Teharihulen Savard et Jacques Newashish y sont conviés par la directrice artistique Caroline Loncol Daigneault et le commissaire invité, Guy Sioui Durand.

JACQUES NEWASHISH

Né en 1958, Jacques Newashish est un Atikamekw Nehirowisiw de la communauté de Wemotaci, dans le Nitaskinan (Haute-Mauricie). Victime du régime des pensionnats, il a néanmoins intégré les valeurs et les traditions ancestrales transmises par son père, chasseur et trappeur, ainsi que par sa mère. Newashish est devenu un acteur incontournable de la décolonisation. Artiste visuel avant tout, premier illustrateur du Conseil de la Nation, Newashish utilise une variété de matériaux et de techniques pour ses installations, qui amalgament des artéfacts naturels (bois, racines, plumes et pierres) à la peinture et au dessin. Élargissant ses talents d’artiste multidisciplinaire, il est propulsé sur les scènes et les écrans internationaux. Il excelle au chant traditionnel accompagné au tambour, au conte, à la sculpture et à l’écriture ; il se révèle un acteur bouleversant de vérité dans des productions majeures comme les films Avant les rues et Bootleggers, et comme dans la pièce Vol au‑dessus d’un nid de coucou ainsi que la réalisation humaniste multimédias Meshitau, qu’on a pu voir dans la phase I d’YÄ’ATA, art total autochtone à Sherbrooke. Depuis près de 40 ans, cet homme authentique, attentif à l’humain comme au territoire, crée des œuvres majeures transcendant la tradition, en mêlant son expérience de vie à l’ancestralité de sa culture. Il a installé la tente posée à l’extérieur de la galerie aux matériaux en provenance du Nitaskinan, comme complicité exceptionnelle de celui à qui l’on doit l’imposante exposition rétrospective nomade à Shawinigan, Odanak et Tiöhti’àke Ni Kaki Tackakwan (Qui m’a beaucoup influencée).

 

MÉLANIE O'BOMSAWIN

Kwaï ! Je suis Mélanie, membre de la communauté d’Odanak. Je suis monteuse, vidéaste, artiste en nouveaux médias, geek et patenteuse. Je suis surtout mère, fille, petite-fille, nièce, tante, sœur et cousine. Je travaille la vidéo sous toutes ses formes et je me sers de mes installations, de mes documentaires ainsi que de mes projections pour explorer mes liens avec ceux et celles qui étaient là avant moi comme ceux et celles qui me suivront. Dans ma pratique, je m’intéresse aux questions d’identité, de traditions, de mémoire et de transmission du savoir grâce aux relations humaines. Intéressée par les nouvelles technologies, je souhaite sans cesse découvrir de nouveaux moyens me permettant de raconter des histoires. Profondément convaincue de la portée narrative ainsi que du potentiel interdisciplinaire et collectif des nouveaux médias, j’aspire à marier ma formation de documentariste à celle d’artiste multimédias. Je crée autant pour les générations passées que celles à venir. Les pierres sont là, millénaires : nous pouvons trouver ce qu’il reste de notre histoire sur le territoire de nos grands-pères. Senimikwaldamw8gan 2 est une série d’installations et de projections qui explorent nos relations par rapport à la transmission de la mémoire en pleine époque numérique. Quel souvenir est le plus fidèle, celui qu’on nous raconte ou celui qu’on peut trouver sur un disque dur ? Les nouvelles technologies nous permettront-elles de faire vivre à jamais la mémoire de nos grands-pères ou se perdront‑elles plutôt dans un nuage numérique ? C’est à nous de porter ces voix.

 

CHRISTINE SIOUI WAWANOLOATH

Wendat et Waban A’kise, Christine Sioui Wawanoloath est née en 1952, à Wendake. Au décès de son père, sa mère retourne vivre auprès des siens, à Odanak. Sioui Wawanoloath y passe son enfance dans une famille d’artisans dans laquelle la création et les arts sont omniprésents. Plus tard, elle fréquentera le collège Manitou, premier collège autochtone du Québec. Elle y réalisera des études en arts, en photographie ainsi qu’en histoire. Pendant quatre décennies, elle s’adonnera à son travail d’illustration avec une constance remarquable, en plus de participer à de nombreuses expositions telles que De Tabac et de foin d’odeur. Là où sont nos rêves (Musée d’art de Joliette, 2019) et J’entends ton chaud murmure à travers la brume froide (DRAC, Drummondville, 2022). Autrice de magnifiques contes et de pièces de théâtre pour enfants, ses œuvres visuelles, empreintes de douceur, sont porteuses de lumière et de magie. Pour l’exposition Yatsihta’ Porter les braises, l’artiste insère dans ses œuvres une fabuleuse horde de personnages colorés, mythologiques et les moments des changements cycliques des saisons comme Nib8iwi m8lsem (Loup de Nuit) et N’-DAIB KIK8NEK M8JA PAD8GIIWIK (J’étais dans le champ lorsqu’il a commencé à tonner). Utilisant divers matériaux et différentes techniques, Sioui Wawanoloath prend en compte nos liens avec la flore et la faune, elle est sensible au temps circulaire des saisons ainsi qu’à l’esprit des tortues. Titrant ses œuvres en langue abénaki, cette artiste originale dynamise la décennie internationale des langues autochtones (2022‑2032).

 

MICHEL TEHARIHULEN SAVARD

Les années 2000 accueillent les multiples productions talentueuses créées par Teharihulen Michel Savard dans le rayonnement de l’écosystème des arts. Cet artiste vit et œuvre dans sa communauté de Wendake, à proximité de la ville de Québec. Son apport met en relief trois types de responsabilités qu’il assume au moyen de l’art : être un porteur responsable de l’imaginaire émanant des savoirs wendats, incarner dans ses œuvres la fusion entre le savoir-faire traditionnel et l’innovation formelle et multimédias qui nous est contemporaine, et investir de manière paradoxalement indépendante son engagement en tant qu’artiste-citoyen pour l’avancement de la communauté.

Chanteur et joueur de tambour d’eau, orfèvre et sculpteur, performeur, installateur et artiste d’art nature in situ, un temps conservateur au Musée de Wendake, Teharihulen Michel Savard offre des agencements stylisés dont l’expressivité symbolique passe des références à son mentor aîné Zacharie Vincent, aux protocoles des apparats géopolitiques, à des éléments cosmologiques, des récits mythologiques ou à la revitalisation par des chants de la langue wendat. Artisan de wampum scellant les nouvelles alliances géopolitiques et la transmission, Teharihulen Michel Savard joue un rôle pivot dans la constitution en cours d’un centre d’artistes réunis autour d’un collectif de créatrices et créateurs Wendat, dont le parcours événementiel récent Yahndawa’ : portages entre Wendake et Québec a été une réussite.

Déjà en 2000, Teharihulen Michel Savard faisait résonner le son du tambour d’eau iroquoien – utilisé par les Wendats et les Kanienke’a : ka’s (Mohawks). Il a joué entre des arbres centenaires, face au grand fleuve, pour l’événement Arboretum. Les grands arbres porteurs de civilisation. En 2018, son immense succès en duo avec Andrée Kwe’dokyes Lévesque Sioui a eu lieu dans l’agora entouré de grands arbres, devant la rivière Atiawenrahk à Wendake, pour le RIAPA, le Rassemblement Internations d’Art Performance Autochtone. L’événement, qui a duré trois jours, réunissait une trentaine des plus importants artistes autochtones des « Actes sauvage / Indian’s Acts » d’Ouest en Est de Kanata’ (Canada). En 2021, sa première exposition solo a inauguré DAPHNE, le premier centre d’artistes autochtones dans la grande métropole qu’est Tiöhtiàke (Muliat, Montréal). Cette visibilité de prestige se nourrissait en fait d’échos de ses participations à plusieurs autres expositions collectives locales, tels que Le Legs (2021), Kakakew (2021), Yahndawa’ (2022) et autres exhibitions internationales.

Sa présence à l’exposition Porter les braises vient enrichir d’œuvres impressionnantes la jonction des territorialités entre le NIonwentsïo wendat et le Nadakina Waban A’ki, réunis sous l’influence des tortues serpentines pour la phase II d’YÄ’ATA, Art Total Autochtone.

 

GUY SIOUI DURAND

Wendat (Huron) originaire de Wendake, au Québec, Guy Sioui Durand est membre du clan du loup. Sociologue (Ph.D.), critique d’art, commissaire indépendant, conférencier de renom et performeur, il crée des harangues exprimant l’oralité. Son regard porte sur l’art autochtone, de même que sur l’art contemporain. D’un côté, il met l’accent sur la décolonisation des esprits par l’« ensauvagement » de nos imaginaires et le renouvellement de nos relations. D’un autre côté, il pense qu’il faut transformer le monde par l’art action, et l’art action par l’art autochtone vivant, pour peu que le spectaculaire s’oppose au spectacle. YÄ’ATA, l’art total autochtone, s’ajoute à la vingtaine d’événements d’art autochtone auxquels il est associé en tant que commissaire.

Commissaire invité : Guy Sioui Durand

Nous sommes au coeur du solstice d’hiver. La froidure fige de neige les territoires, tant le Nd8kina des Waban A’kis, le Nionwentsïo des Wendats que les Nitaskinan des Atikamekws et le Nitassinan des Innus, Naskapis et Eeyous Istshees. La nouvelle lune de la fin du mois de janvier amorce cycliquement le Nouvel An autochtone. C’est la période où les sept étoiles des Pléïades sont très visibles dans le cosmos. Un conte wendat hivernal en fait une légende. Les yändia’wich awenrore – en langue Wendat, et aligdaït, en langue Waban A’kise – les tortues serpentines hibernent dans la vase profonde sous l’eau gelée, mais leur emprise sur nos rêves demeure. C’est le temps propice de porter les braises pour alimenter Yatsihsta’, le feu, de faire exposition, mais aussi de dresser la tente de prospecteur avec son sapinage, d’y chauffer le poêle. Alors, les contes d’hiver assument la transmission. Ces deux moments, à l’ouverture, le 2 février 2023, définissent la phase II du plus vaste événement de YÄ’ATA, Art Total Autochtone. En accueillant l’exposition Yatsihsta’. Porter les braises, la galerie d’art Antoine-Sirois devient symboliquement le foyer d’oeuvre pour réchauffer les esprits animés. C’est l’inversion des énergies des cercles provoquée par le jet d’une pierre dans l’eau. De centrifuges, à l’extérieur, sur le campus, dans la montagne et au lac, cette fois les énergies artistiques se font centripètes vers son épicentre, la galerie d’art. Cela vaut pour l’art autochtone décolonisé.

 

Vernissage le mercredi 8 février 2023, à 17 h.

Remerciements

Le commissaire remercie le Conseil des arts du Canada de son soutien ainsi que le Conseil des arts et des lettres du Québec.

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